L’ Antiquité tardive
dans l’Est de la Gaule
Sépultures, nécropoles et
pratiques funéraires en Gaule de l’Est Actualité de la recherche
II
Textes réunis par Nathalie Achard-Corompt, Michel Kasprzyk,
avec la coll. de Bérangère Fort
Institut
Institut
Institut
national
national
national
dede
recherches
de
recherches
recherches
REVUE
REVUE
REVUEARCHÉOLOGIQUE
ARCHÉOLOGIQUE
ARCHÉOLOGIQUEDE
DE
DEL’EST
L’EST
L’EST I Quarante et unième supplèment I Dijon 2016
L’ANTIQUITÉ TARDIVE
DANS L’EST DE LA GAULE, II
Sépultures, nécropoles et pratiques funéraires en Gaule de l’Est
Actualité de la recherche
Actes du colloque de Châlons-en-Champagne
16-17 septembre 2010
REVUE ARCHÉOLOGIQUE DE L’EST
Quarante et unième supplément
L’ANTIQUITÉ TARDIVE
DANS L’EST DE LA GAULE, II
Sépultures, nécropoles et pratiques funéraires
en Gaule de l’Est - Actualité de la recherche
Actes du colloque de Châlons-en-Champagne
16-17 septembre 2010
Textes réunis par
Nathalie AchArd-corompt, Michel KAsprzyK,
avec la coll. de Bérangère Fort
Ouvrage édité par la Société Archéologique de l’Est
et la Société Archéologique Champenoise
dans le cadre de l’UMR 6298 ArTeHiS de l’Université de Bourgogne
avec le concours du Ministère de la Culture et de la Communication
(Direction régionale des Affaires Culturelles de Champagne-Ardenne)
et de l’Institut national de Recherches archéologiques préventives
Dijon, 2016
SOMMAIRE
Avant-propos.................................................................................................................................................................... 7
THÈME N° 1 : NÉCROPOLES DE L’ANTIQUITÉ TARDIVE DANS L’EST DE LA GAULE
Belgique II
Cécile Paresys, Isabelle Le Goff avec la part. d’Anne Delor-Ahü, Aurore Louis, Bérangère Fort
Espaces funéraires et mobiliers en Champagne-Ardenne durant l’Antiquité tardive ........................................................ 11
Jean-Jacques Charpy
Les nécropoles de l’Antiquité tardive dans la Marne d’après les archives et les collections ........................................... 35
Stéphane Sindonino, Magali Cavé, Sandrine Thiol, avec la coll. de Pierre Mathelart,
Michaël Brunet et Philippe Rollet
Les sépultures tardo-antiques de la fouille du tramway à Reims (Marne)........................................................................ 45
Aminte Thomann, Sébastien Péchart, Sylvain Renou , Amélie Pelissier, Élise Henrion
Les pratiques funéraires de la nécropole du 43 rue de Sébastopol à Reims (Marne)....................................................... 61
Nathalie Achard-Corompt
Deux nécropoles du Bas-Empire à Bezannes « sites K et L » (Marne) ............................................................................. 69
Nathalie Soupart
Les pratiques funéraires de l’Antiquité tardive dans le sud de l’Aisne : au travers des exemples des nécropoles
de Limé (Les Sables Nord) et de Ploisy (Le Bras de Fer) ................................................................................................. 79
Belgique I
Michiel Gazenbeek, Arnaud Lefèvre, Karine Michel
La place du mobilier dans les pratiques funéraires de l’Antiquité tardive en Lorraine ................................................. 103
Lyonnaise I & IV
Michel Kasprzyk, avec la coll. de Yannick Labaune et Frédéric Devevey
Sépultures, monuments funéraires et nécropoles de l’Antiquité tardive dans la partie centrale
de la province de Lugdunensis prima (Lyonnaise Première, cités des Éduens et de Chalon,
in du IIIe – milieu du Ve siècle)........................................................................................................................................ 121
Sylvie Balcon-Berry, Walter Berry
Le site de Saint-Pierre-l’Estrier d’Autun (Saône-et-Loire) dans l’Antiquité tardive :
remarques sur le rapport entre l’évolution cimétériale et le cadre architectural ........................................................... 155
Mélody Félix-Sanchez, David Cochard
Premiers résultats sur l’ensemble funéraire du Bas-Empire de la ZAC d’Échenilly
(Saint-André-les-Vergers, Aube) ...................................................................................................................................... 179
Michaël Brunet, Grégory Schütz, Mélody Félix-Sanchez, Sylvain Renou
La parure et les accessoires vestimentaires de la sépulture 137 de la ZAC d’Échenilly................................................. 187
Laurent Fournier, Marie-Pierre Chambon, avec la coll. de Anna Moirin, Dominique Canny,
Jean-Louis Roche et Frédéric Périllaud
Un ensemble funéraire de la in du IVe siècle découvert à Marigny-les-Usages (Loiret)................................................ 191
Germanie I
Émilie Cartier-Memmie, Olivier Putelat
IIttenheim ‘Lotissement du Stade’ (Bas-Rhin) : une nécropole du Bas-Empire (350-450 après J.-C.)
et ses dépôts funéraires d’origine animale ...................................................................................................................... 201
Séquanaise
Lydie Joan
Bilan sur les nécropoles du Bas-Empire en Franche-Comté........................................................................................... 225
Viennoise
Gaëlle Granier, Michel Signoli, Benoît Helly
Évolution de la topographie et de la nature des lieux funéraires de la ville antique de Vienna
durant l’Antiquité tardive ................................................................................................................................................ 239
Gaëlle Granier, Benoît Helly, Michel Signoli
De potentielles inhumations de collegia à vocation funéraire : la population tardive du site de La Place de l’Égalité
(Sainte-Colombe, Rhône)................................................................................................................................................. 255
THÈME N° 2 : ACTUALITÉ DE LA RECHERCHE SUR L’ANTIQUITÉ TARDIVE DANS L’EST
DE LA GAULE
Belgique II
Pierre Mathelart, Guillaume Florent avec la coll. de Ludivine Huart
Les apports de la céramologie à la connaissance de l’évolution urbaine de Reims durant l’Antiquité tardive ............. 263
Laurent Duvette, Sonja Willems
L’habitat de Menneville (La Bourguignotte) (Aisne) ...................................................................................................... 323
Christophe Hosdez, Alexia Morel
Une occupation de l’Antiquité tardive en bord de voie à Goussancourt (Aisne) ............................................................ 343
Régis Bontrond, Ludivine Huart, Frédéric Poupon
Un exemple d’occupation d’une campagne péri-urbaine : le site de Bezannes, Le Bas Torchant
orchant (Marne) ................... 355
Benoît Filipiak
Découvertes monétaires à Bezannes (Marne), lors des fouilles préventives IInrap de 2006 à 2009 :
remarques sur la circulation monétaire tardo-antique dans la campagne rémoise ........................................................ 363
Belgique I
Sébastien Jeandemange, Fabrice Charlier, Julian Wiethold, Jean-Denis Lafite
La tuilerie antique de Hombourg-Budange (Moselle)..................................................................................................... 389
Francesca Schembri
Un établissement gallo-romain en bordure de la voie impériale de Lyon à Trèves à Lesménils
«Notre-Dame / Chêne Brûlé» (Meurthe-et-Moselle)........................................................................................................ 411
Lyonnaise I & IV
Matthieu Poux, Tony Silvino avec la coll. de Patrick Bernard, Sandra Dal Col, Amaury Gilles,
Lucas Guillaud, Aurélie Tripier
Les formes de l’habitat dans les campagnes lyonnaises durant l’Antiquité tardive : données anciennes et récentes... 429
Sylviane Estiot, Vincent Drost, Maxence Segard
Le double trésor monétaire de Magny-Cours (Nièvre).................................................................................................... 465
Alexandre Burgevin
Un ensemble de monnaies tétrarchiques trouvé dans la Saône à Montbellet (Saône-et-Loire),
reliquat d’un dépôt monétaire ?....................................................................................................................................... 483
Stéphane Joly, Christian Cribellier, Alix Fourré, Gaëlle Robert
L’occupation tardive de l’agglomération de Bonnée (Loiret) : l’habitat IIIe-IVVe siècles de la rue des Sentes.................. 491
Belgique I & II, Germanie II
Jean-Marc Doyen
La in de l’administration romaine de la moyenne vallée mosane : essai de modélisation de l’alimentation
en numéraire entre 390 et 450 ap. J.-C. .......................................................................................................................... 501
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE
(MOSELLE)
Sébastien JEANDEMANGE *, Fabrice CHARLIER **, Julian WIETHOLD ***,
Jean-Denis LAFFITE ****
Mots-clés Tuilerie gallo-romaine, chaîne opératoire, four, halle, puits, restitution architecturale, archéomagnétisme, radiocarbone,
anthracologie, carpologie, matériaux de construction en terre cuite.
Keywords Gallo-Roman brickyard, production chain, kiln, hall, well, architectural analysis, archaeomagnetism, radiocarbon dating,
charcoal analysis, plant macrofossil analysis, terracotta building material.
Schlüsselwörter Gallo-römische Ziegelei, Produktionskette, Brennofen, erkhalle, Brunnen, architektonische Rekonstruktion,
Archäomagnetismus, Radiokarbondatierung, olzkohleanalyse, Archäobotanik, Baukeramik.
Résumé La fouille archéologique entreprise par une équipe1 de l’Inrap en 2006 sur Le Clos des Tourelles à Hombourg-Budange (Moselle)
a mis au jour une tuilerie gallo-romaine située à proximité d’un site médiéval, objectif initial de l’opération. La durée d’occupation du
site antique est dificile à préciser, seul l’abandon pouvant tre daté. Il est sans doute postérieur à 250 ap. J.-C. Les vestiges de la tuilerie
sont divers : four, drains, halles, puits, petit bâtiment… Le plan général et la nature des différentes structures de production permettent
de suivre la chaîne opératoire et témoignent d’une organisation rationnelle du travail. Plusieurs études spéciiques ont été effectuées
ain d’enrichir la compréhension du site : datations archéomagnétique et radiocarbone, études carpologique et anthracologique, étude
du mobilier céramique : poteries et matériaux de constructions en terre cuite, et enin analyses fonctionnelle et architecturale de la
tuilerie.
Abstract The archaeological excavation undertaken in 2006 by the Institut national de recherches archéologiques preventives (Inrap) at
the site Le Clos des Tourelles in ombourg-Budange (Moselle, rance) unearthed a Gallo-Roman tilery. It situated close to a medieval
site, the initial target of the excavation project. The time span of the Gallo-Roman occupation cannot be stated with accuracy ; only its
abandonment can be dated to be later than 250 AD. The remains of the tilery are assembling a kiln, drains, a hall, a well, and, among
other features, a small building. The plan and arrangement of the different features are représenting the whole working process of the
tile production and, additionally, they are giving evidence of an eficient organization of the work. Several studies were carried out to
increase our knowledge of the site : archaeomagnetic and radiocarbon dating, plant macrofossil and charcoal analysis, a study of the
ceramics and of burnt clay building material, and, not to forget, a functional and architectural study of the tilery. (trad. J. Wiethold)
Zusammenfassung Bei einer Grabung des Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) wurde 2006 am undplatz
Clos des Tourelles in ombourg-Budange (Departement Moselle) in der Nähe einer mittelalterlichen Siedlung, der die Grabung
ursprünglich galt, eine gallo-römische Ziegelei freigelegt. Die Dauer der antiken Besiedlung des Platzes ist schwer zu bestimmen ; nur
seine Aufgabe kann mit großer ahrscheinlichkeit in die Zeit nach 250 n. Chr. datiert werden. Die interlassenschaften der Ziegelei
sind zahlreich : Brennofen, Entwässerungsgräben, erkhallen, Brunnen sowie ein kleines Gebäude Der Grundrissplan der Anlage
und die nachgewiesenen Produktionsstrukturen erlauben es, die Arbeitsschritte im Einzelnen genau zu bestimmen. Sie zeugen von einer
rationellen Organisation der Ziegelproduktion. Um den undplatz und die Arbeitsabläufe genauer zu verstehen, wurden zu bestimmten
Themenbereichen gesonderte Untersuchungen vorgenommen: archäomagnetische Datierungen und Radiokarbondatierungen, die
Analyse verkohlter und unverkohlter Samen und rüchte sowie der olzkohlen, die Untersuchung der Keramikfunde sowie der
Baukeramik und schließlich wurde eine funktionale und architektonische Analyse der Ziegelei durchgeführt. (trad. J. Wiethold)
*
Responsable de l’opération de fouille ; Inrap Grand-Est nord, Base archéologique de Ludres, 95 impasse Becquerel, 54710 Ludres.
sebastien.jeandemange@inrap.fr
** Archeodunum, Agence du Mont Beuvray, Centre archéologique européen, 58370 Glux-en-Glenne, f.charlier@archeodunum.fr
*** UMR 6298 ArTeHiS, Université de Bourgogne - Inrap Grand-Est nord, Centre archéologique de Metz, Laboratoire archéobotanique,
12 rue de Méric, 57063 Metz cedex 2. julian.wiethold inrap.fr
**** Inrap Grand-Est nord, Centre archéologique de Metz, 12 rue de Méric, 57063 Metz cedex 2. jean-denis.lafite inrap.fr
1
Équipe de fouille composée de Lonny Bourada, Sébastien Jeandemange et Philippe Klag.
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
1. INTRODUCTION (S.J.)
1.1. Contexte géographique, géologique
et archéologique
La commune de Hombourg-Budange (Moselle) se
situe dans la vallée de la Canner, à 15 km au sud-est
de Thionville. Le projet de lotissement Le Clos des
Tourelles, à l’origine de la fouille, est localisé à moins
de 150 m au sud-est du centre du village et à 400 m à l’est
du château de Hombourg (ig. 1).
Le site étudié est implanté sur les terrains sédimentaires du plateau lorrain à l’est du Bassin parisien. Le
terrain naturel se compose d’argiles bariolées et de marne
calcaire du Keuper moyen.
Outre la zone argileuse exploitée par la tuilerie
antique présentée ici, le secteur de Hombourg-Budange
possède d’autres gisements présentant des caractéristiques recherchées par l’artisanat des céramiques. Au
début des années 90, un atelier de céramique sigillée a
été repéré en prospection pédestre, au lieu-dit la Grande
Corvée, à moins de 250 m à l’est de la présente tuilerie.
La quantité importante de mobilier archéologique fournit
une date d’occupation de l’oficine de la seconde moitié
du IIe siècle jusqu’au Bas-Empire. La céramique sigillée
recueillie est datable de la seconde moitié du IIe siècle
et la céramique commune des IIIe, IVe et Ve siècles. Pour
l’exportation des productions, cet atelier est à mettre en
relation avec la voie romaine reliant Metz à Trèves par la
rive droite de la Moselle (GÉRARD, 1999, p. 350 et 359).
De même, une tuilerie (d’origine médiévale ?) est située
à 700 m au sud du village et est encore igurée sur le
cadastre napoléonien de 1812.
1.2. Présentation du site
La fouille couvre une surface de 2620 m², avec une
topographie accusant une légère pente orientée NE-SO
(ig. 2A). uatre périodes chronologiques ont pu être distinguées. La première est matérialisée par quelques fosses
et tessons de céramique protohistorique au sens large.
Seul un bord de céramique est attribuable au second
Âge du Fer (La Tène). La seconde période, présentée
ici, concerne une tuilerie gallo-romaine. Une troisième
période est représentée par une unité rurale médiévale
dificile à caractériser, se composant d’un bâtiment à fondation sur solin, de vestiges d’un bâtiment sur tranchée
de fondation et d’un fond de cabane (XIIIe-XVe siècles).
Enfin, l’inhumation de chevaux de trait marque une
occupation plus récente (XIXe-XXe siècles) (JEANDEMANGE
et alii, 2009).
2. LE FOUR ET SES AMÉNAGEMENTS PÉRIPHÉRIQUES
(S.J.)
6
3
4
2.1. Présentation
1
7
2
5
Extrait de la carte IGN 3412 Est
0
500 m
Metz
Contexte archéologique :
Bar-le-Duc
Nancy
1 - Tuilerie antique et occupation
médiévale faisant l’objet de la fouille.
2 - Atelier de céramique sigillée, au
0
lieu-dit Grande Corvée.
3 - Château XIIIe-XXe siècles
4 - Chapelle XVe siècle
5 - Tuilerie d’origine médiévale ? moderne ?
6 - Village de Hombourg cité dès le XIIe siècle
7 - 1997 : Sondages archéologiques négatifs,
au lieu-dit Guff.
Épinal
50 km
Fig. 1. ombourg-Budange (Moselle), Le Clos des Tourelles.
Localisation générale. Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
390
Les facteurs géologiques, hydrologiques et paléoenvironnementaux rencontrés sur l’actuelle commune de
Hombourg-Budange sont favorables à l’implantation
d’une tuilerie. En premier lieu, le terrain naturel, observé
sur la fouille, est formé notamment d’argile compacte
de couleur gris clair qui constitue un gisement propice à
la fabrication de céramiques. La proximité de l’eau est
également primordiale : un puits a été découvert et un
petit cours d’eau est localisé à moins de 100 m au sud du
site. Enin, la présence de matières combustibles s’avère
indispensable. Deux importantes forêts, celles dites
du « Bois du Comte » et de la « Forêt du Comte », se
situent à quelques centaines de mètres au nord, à l’est et
au sud-est du présent atelier et de l’oficine de céramique
sigillée. Elles sont constituées de feuillus dominés par le
chêne et le hêtre. Même si l’état des forêts dans l’Antiquité reste dificile à déterminer, on peut imaginer que
ces sources ligneuses ont pu être exploités pour fournir
le combustible du four (GÉRARD, 1999, p. 349).
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
nale
mmu
X=891600
X=891550
X=891500
Y=185050
n° 1
Y=185050
co
Voie
Place des Remparts
106
105
174
173
131
132
171
107
104
170
96.00
Chemin rural
95.00
130
Y=185000
99.0
0
97.00
172
128
Section 2
Y=185000
169
175
103
168
129
149
.00
99
133
.00
98
Y=184950
Y=184950
2
Emprise diagnostic : 13 387 m
.0
Emprise fouille : 2 620 m
Sondage négatif diagnostic
Sondage positif diagnostic
56
.00
.00
94
0
96
95
55
109
97
Section 33
2
.00
X=891600
X=891550
Structures antiques
Structures médiévales
Structures non datées ou récentes
0
20 m
97 N
GF
98 N
GF
A
99
NG
F
8
structures antiques
6 7
structures non datées
5
2
4
3
1
B
3
0
10 m
1 - four de tuilier
2 - halle de plan centré
3 - drain
4 - halle de plan allongé
5 - aire de séchage ?
6 - puits
7 - poteau (associé au puits ?)
8 - bâtiment à quatre gros poteaux
(atelier ?)
Fig. 2. A. Plan de fouille sur le cadastre actuel ; B. plan de la tuilerie antique. Auteurs : S. Calduch, T. Ernst
et S. Jeandemange, Inrap.
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
391
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
lim
ite
de
déc
?
apa
in
dra
ge
contrefort ?
conduit latéral
de chauffe
couloir
aire de service
central
voûté
muret de
soutènement
massif
latéral
contrefort ?
80
73
72-1
72-2
drain
Sud
Nord
laboratoire restitué
aire de service
99 m
98 m
carneaux
gueule
imbrices
97 m
sole restituée
voûte effondrée
96 m NGF
95 m
alandier
Coupes poteaux et drain
73
72-1
94 m
chambre de chauffe
foyer
72-2
Maçonnerie en terre cuite architecturale
80
Matrice argileuse avec pierres en grés et fragments en terre cuite architecturale
Substrat (argile verte) rubéfié
0
2m
Substrat (argile verte)
0
2m
Fig. 3. Plan et coupe longitudinale du four. Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
392
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
Le four de tuilier se situe à l’extrémité sud-ouest du
décapage archéologique, en limite d’emprise. Lors du
décapage à la pelle mécanique, la structure est apparue
comme un épandage sans organisation apparente, composé d’innombrables fragments de tuiles gallo-romaines
associés à quelques traces de rubéfaction. L’épandage
offre alors une longueur maximale d’environ 13 m pour
une largeur comprise entre 5 et 7 m, soit une surface
d’environ 70 à 75 m² (fig. 13). Suite à un nettoyage
manuel effectué en plan, suivi de trois sondages creusés
à la mini-pelle, la partition du four est apparue clairement (infra, ig. 14). Tout comme une cave, un four
de tuilier est une structure creusée dans le substrat.
Ce phénomène d’excavation explique le bon état de
conservation de ce type d’aménagement. De plus, lors
du diagnostic archéologique, aucun sondage n’est venu
perforer les parties maçonnées du four, seule l’aire de
service ayant fait l’objet d’un sondage (ig. 2A).
2.2. Aire de service
Située à l’extrémité méridionale du four, l’aire de
service est un espace creusé dans le substrat argileux et
aménagé devant le four, face à la bouche de l’alandier.
C’est sur celle-ci que se tient l’ouvrier, appelé chauffeur, qui alimente le four et règle le tirage (LE NY, 1988,
p. 23).
Cet espace est de plan rectangulaire et mesure environ 6,50 m de longueur pour 5 m de largeur. Ses parois
ouest et est étant presque verticales, les tuiliers devaient
y accéder par le côté sud. Ce dernier côté présente une
pente nord-sud en direction du four. En effet, la profondeur maximale de cette aire de travail se situe au niveau
du sol décapé devant l’entrée du foyer où elle atteint
1,50 m, alors qu’elle ne mesure que 1,10 m à mi-pente
(soit 2 m en retrait du four). Une coupe, effectuée dans la
partie sud de l’excavation, n’a pu mettre en évidence la
nature de l’accès, qu’il s’agisse d’une simple rampe ou
d’un escalier. Quant au côté nord, il est matérialisé par
deux massifs maçonnés de part et d’autre de la gueule
du four (ig. 3).
Une coupe transversale est-ouest a permis de comprendre les trois phases du comblement de l’aire de
service. La première sédimentation est liée à la période
d’occupation, la seconde à celle de démolition du four
et la dernière à celle du scellement déinitif de l’aire
(ig. 4A).
2.3. Foyer
2.3.1. Généralités
Le foyer se compose des parties conservées suivantes : la gueule, l’alandier et la chambre de chauffe.
De plus, un couloir central voûté en tas de charge à
ressauts, large d’un mètre en partie basse, parcourt
toute la longueur du four sur près de 7 m. Les parties
en élévation, la sole et le laboratoire, qui étaient situées
au-dessus de la chambre de chauffe, ont disparu (ig. 3).
Les matériaux utilisés pour la construction d’un
four sont majoritairement des fragments de tegulae,
plus rarement des fragments de briques. Les terres cuites
architecturales ont des propriétés isolantes pour conserver la chaleur et réfractaires pour la supporter.
Si nous nous référons à la typologie des fours de tuiliers italiens établie par N. Cuomo di Caprio2, il apparaît
que le four de tuilier de Hombourg-Budange est de type
IIE, c’est-à-dire avec une sole assez grande, supportée
par des murets de soutènement reliés entre eux par des
arcs de voûtes qui préservent un couloir central pour
la chauffe ; des conduits de chaleur installés entre ces
murets répartissent latéralement les gaz chauds sous la
sole. D’après les données statistiques de Françoise Le
Ny, les fours de type IIE constituent près des deux tiers
des fours recensés, c’est-à-dire les plus fréquemment
rencontrés (LE NY, 1988, p. 45).
En sachant que le bon fonctionnement d’un four
est fortement lié à la régularité de la circulation intérieure de l’air chaud, on peut penser que le vent et les
différents climats constituaient des facteurs importants.
Aussi l’orientation des fours a-t-elle pu jouer un rôle
déterminant pour leur fonctionnement dans des régions
où souflent des vents dominants et réguliers. Le four de
Hombourg-Budange présente une gueule orientée au sud
mais que la profondeur de l’aire de service protégeait
des courants d’air trop forts, protection renforcée par la
halle qui entourait le four. En revanche, il est possible
que cette orientation ait renforcé le mouvement ascendant des gaz chauds à la sortie du laboratoire, éloignant
du chauffeur les retours de fumées.
2. CUOMO di CAPRIO, 1972. L’auteur distingue deux grands types de fours
de l’Italie romaine : les fours circulaires et les fours rectangulaires. Les
fours circulaires présentent cinq plans différents (types IA, IB, IC, ID,
IE), les fours rectangulaires quatre plans différents (types IIA, IIB, IIE,
IIF).
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
393
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
Niveaux d’occupation
1 - Limon argileux gris noir, nombreux petits charbons
de bois
2 - Limon argileux orange panaché de gris, nombreux
nodules de terre cuite
3 - Limon argileux gris panaché d’orange, nombreux
nodules de terre cuite
Démolition du four
4 - Limon argileux brun-gris, englobant de nombreux
éléments de terre cuite architecturale (parois de four...),
moellons calcaires et grès jaune
Scellement
5 - Limon argileux brun, englobant des éléments de
terre cuite architecturale, des moellons, de la faune,
des charbons de bois
Terrain naturel (argile verte)
A : comblement de l’aire de service
Ouest
5
96 m NGF
B : accès (?) à l’aire de service
97
96,08 m NGF
1 2
3
Ouest
1
1
2
2 3
126
3
4
2
1
Limites de fouille
Est
Est
127
97 - Limon argileux brun-gris, nombreux nodules de terre cuite
126 (1) - Limon argileux brun-gris, nombreux fragments de terre cuite
architecturale (TCA) de petite taille, fragments de tuiles de grosse taille
126 (2) - Limon argileux brun-vert, quelques fragments de TCA
126 (3) - Limon argileux vert, fragments de tuiles = environ substrat
127 (1) - Limon argileux brun-gris foncé, nombreux charbons de bois
de petite taille, petits fragments de TCA
127 (2) - Limon argileux brun-vert, quelques nodules de TCA
86 (1) - Limon argileux brun-gris, nombreux nodules de terre cuite,
quelques charbons de bois
86 (2) - Limon argileux brun-vert, quelques fragments de TCA
86
C : façade d’entrée du four
Est
Ouest
voûte effondrée
97 m
Maçonnerie dégagée en terre cuite architecturale (TCA)
Démolition composée de TCA
mur (24 assises)
gueule
mur non dégagé
96 m NGF
Substrat (argile verte) rubéfié
Substrat (argile verte)
95 m
drain ?
Limites de fouille
D : entrée du four (côté alandier)
imbrices imbriquées
Est
Ouest
Empilement d’imbrices devant l’entrée du four
voûte effondrée
97 m
mur
ressaut
0
96 m NGF
mur non dégagé
2m
95 m
drain ?
E : profil de la chambre de chauffe
Ouest
Est
99 m
B
laboratoire
A
C
E
98 m
carneaux
sole
chambre
chauffe
97 m NGF
96 m
D
0
10 m
95 m
Fig. 4. Coupes transversales du four. Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
394
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
2.3.2. Gueule du four
La façade de l’alandier est matérialisée par un
mur maçonné dans lequel s’ouvre la gueule du four et
s’appuie de part et d’autre de la fosse du four et de son
aire de service, creusée dans le substrat naturel. Elle est
conservée sur vingt-quatre assises (hauteur conservée de
plus de 1 m) composées essentiellement de fragments
de tegulae liés avec de l’argile verte compacte, l’arrière
de l’élévation se composant d’un ressaut de fondation
en partie basse qui supporte des assises moins larges
(ig. 4 C et D). La gueule, ouverture vo tée, est aménagée
au centre de cette façade. Il s’agit de l’ouverture basse de
l’alandier, dans laquelle le chauffeur démarre le feu. Elle
présente une hauteur sous l’intrados d’au moins 1,20 m
pour une largeur maximale de 1 m. Un empilement d’imbrices mal cuites a été retrouvé en place devant la gueule.
Elles avaient pour fonction de venir colmater l’entrée du
four pour réguler le tirage, voire maintenir la température,
à l’intérieur du four lors de la « pleine cuisson », palier de
transformation des terres cuites architecturales (ig. 15).
2.3.3. Alandier
L’alandier canalise le lux de chaleur dégagé par le
feu, de la gueule à la chambre de chauffe (ig. 3, 16 et 17).
Il éloigne le feu du chargement à cuire qu’il protège des
irrégularités de lammes et de chaleur. Ce conduit vo té
présente les dimensions internes suivantes : une longueur
de 3 m sur 1 m de largeur pour une hauteur interne de
1,35 m. Au moment de la fouille, il était comblé par des
éléments de démolition provenant de l’élévation du four.
De part et d’autre de l’alandier et à l’arrière du mur de
façade, des massifs latéraux composés de pierres de grès
jaune, de fragments de tuiles et de terre argileuse, ont
été aménagés. Leur fonction est double : ils permettent
de contrebuter l’alandier et de renforcer son isothermie.
2.3.4. Chambre de chauffe
La chambre de chauffe correspond à la partie inférieure du four où débouchent les lammes et la chaleur à
la sortie de l’alandier (ig. 3). De plan rectangulaire, elle
présente les dimensions internes suivantes : longueur de
3,70 m pour une largeur conservée de 2,75 m. Elle se
compose de quatorze murets de soutènement disposés
sur des banquettes disposées de part et d’autre du couloir
central voûté. Ces murets, larges d’environ 0,30 m et
fondés sur au moins 1 m, sont destinés à supporter la
sole quand la portée de cette dernière est trop importante. Ils sont reliés entre eux par des arcs de voûte qui
délimitent le couloir central de chauffe. Entre les murets
se trouvent les conduits latéraux de circulation des gaz
chauds, aménagés à la surface des banquettes. Ils sont
larges de 0,20 m et inclinés de 25° vers le couloir central
de chauffe et distribuent la chaleur vers la périphérie
du four pour que celle-ci soit répartie de manière plus
homogène sous la sole. Le fond de l’extrémité supérieure
des conduits est formé de deux à trois imbrices posées à
l’endroit (sur leurs bords) et se chevauchant légèrement
(ig. 4E et 18).
Du fait de la chaleur intense, les terres cuites
composant la maçonnerie de la chambre de chauffe
sont vitriiées et présentent une couleur caractéristique
bleuâtre.
2.3.5. Sole
La sole du four de Hombourg-Budange n’est plus
visible (ig. 3). uelle que soit la nature de cette plateforme de chargement, elle s’appuyait sur les murets de
soutènement de la chambre de chauffe et devait présenter
des oriices ou « carneaux » qui permettaient la circulation des lammes et des gaz chauds de la chambre de
chauffe (foyer) vers la chambre de cuisson (laboratoire).
Cette sole a pu être constituée d’argile, de tegulae ou
d’imbrices, disposées à plat ou debout mais préservant
des carneaux entre elles (peut-être un mélange des dif
différents éléments).
2.3.6. Laboratoire
Le laboratoire correspond à la partie haute du four
dans laquelle est disposée la charge à cuire : tuiles,
briques ou autres matériaux de construction. Celui du
four de Hombourg-Budange n’est pas conservé (ig. 3).
Toutefois, ses dimensions en plan sont connues car
le laboratoire est le prolongement en élévation de la
chambre de chauffe dont nous connaissons les dimensions internes citées précédemment (3,70 m de longueur
sur 2,75 m de largeur).
L’élévation du laboratoire ayant totalement disparu,
il n’est pas possible de savoir si nous sommes en présence
d’un laboratoire maçonné permanent ou d’un laboratoire
non permanent détruit après chaque cuisson. Le seul
indice qui pourrait laisser penser que nous sommes en
présence d’un laboratoire maçonné permanent est que
la chambre de chauffe conserve les vestiges de sortes
de contreforts appuyés contre ses murs latéraux est et
ouest. Ces éléments consistent en des excroissances de
fragments de tuiles, longues de 1,10 m à 1,30 m et larges
de 0,60 m. Une coupe effectuée dans l’un d’eux révèle un
creusement aux parois verticales, profond de 0,45 m et
comblé par des fragments de tegulae disposés pêle-mêle.
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
395
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
Leur fonction était certainement de soutenir les murs
parementés du laboratoire.
De même, nous ne savons pas de quelle nature était
la couverture du laboratoire. Les laboratoires des ateliers
traditionnels qui utilisent encore ce type de four, ou des
fours apparentés, ne possèdent pas de couverture. En
effet, lors de la montée en température, la vapeur dégagé
par le chargement de terres cuites architecturales qui perd
son eau de malaxage (« étuvage »), représente une énergie susceptible d’altérer une voûte permanente. Un lit de
tuiles déjà cuites, peu épais et disposé de façon à laisser
circuler ce qui sort du laboratoire (vapeur, lammes, gaz),
peut éventuellement protéger le haut de la charge non
cuite mais généralement une toiture de protection, sufisamment haute pour ne pas br ler, sufit (LE NY, 1992).
2.4. Protection du four et aménagement
périphérique
Une série de trous de poteau localisés sur le pourtour
immédiat du four permet de restituer un aménagement qui
enceint et protège l’ensemble de la structure artisanale.
2.4.1. Couverture du laboratoire
Quatre imposants poteaux forment, autour du laboratoire, un ensemble quadrangulaire de 7 m de côté. De
forme circulaire ou oblongue, leur longueur oscille entre
2,10 m et 2,50 m et leur largeur entre 1,60 et 1,90 m.
L’observation en coupe montre des poteaux profonds de
0,75 à 0,90 m et deux états de construction successifs
(ig. 3).
Ce dispositif correspond à un abri en matériaux
légers, destiné à protéger le laboratoire des intempéries.
Son architecture consistait en une charpente de bois
inclinée et soutenue par quatre gros poteaux porteurs,
la charpente étant certainement recouverte de tuiles destinées à empêcher l’eau de pluie de pénétrer par le haut
du laboratoire.
2.4.2. Halle de plan centré 3
Un alignement de poteaux, orienté nord-sud et parallèle au four de tuilier, se situe à environ 6 m à l’est de
celui-ci (ig. 2B). Il se compose de neuf poteaux dont
deux corniers aux dimensions plus importantes que les
autres (1 m de côté, 0,55 m et 0,30 m de profondeur). Les
poteaux intermédiaires offrent un plan quadrangulaire
de 0,50 m de côté en moyenne, pour une profondeur
3. La dénomination des halles qui est utilisée dans le texte : « halle de
plan centré » ou « halle-galerie » et « halle de plan allongé » est issue
de la thèse de F. Charlier (2011).
396
oscillant entre 0,15 m à 0,30 m. Au sud du four, trois
poteaux forment un retour perpendiculaire à l’alignement
des neuf poteaux décrits précédemment. L’érosion n’a
pas permis d’observer de retour septentrional au niveau
du poteau cornier nord-est. L’effet de pente naturelle du
terrain associé au décapage archéologique explique ce
phénomène érosif.
Ce dispositif correspond à une halle de plan centré
consistant en un aménagement périphérique servant
notamment au stockage des matériaux à cuire ou sortis
du laboratoire. En construisant une structure autour du
four, les artisans cherchaient sans doute à renforcer sa
protection.
Dans le cas qui nous concerne, le côté est du bâtiment a été observé entièrement, les côtés nord et sud
sont partiellement visibles, et la partie occidentale est
située hors emprise. De ce fait, seule la longueur de la
halle est connue avec certitude (19 m). Pour la largeur,
si l’on considère que l’aménagement est symétrique
par rapport au four, cette dernière serait de 18 m. Cette
halle et la structure couvrant le laboratoire forment un
même ensemble bâti autour du four mais la charpente
recouvrant le four devait dépasser de celle de la halle
de plan centré, de façon à laisser l’air circuler entre les
deux. Dans ce cas, les quatre poteaux disposés autour
du laboratoire servaient de supports porteurs internes.
2.4.3. Drainage
Orienté globalement nord-sud, parallèlement au four
de tuilier, un drain, long de 12 m et large de 0,50 m, est
situé à 1,50 m à l’est du four (ig. 2B). Profond de 1 m
à 1,20 m, ses parois sont verticales et son remplissage
se compose de trois couches successives : un niveau de
blocs calcaires sur le fond, suivi d’une couche d’argile
dont la nature et la couleur sont proches de celles du substrat, enin une couche de limon argileux rose. D’après
la topographie du terrain accusant une pente orientée
NE-SO, ce drain servait de barrage aux eaux de ruissellement, évitant ainsi l’inondation du four.
Un autre fossé drainant, orienté SO-NE, est localisé
dans la moitié ouest de l’aire de service et se poursuit
au-delà des limites de cette dernière. Orienté en direction
de la gueule du foyer et respectant le sens de la pente, il
servait probablement à évacuer les eaux d’iniltration ou
de ruissellement contenues dans le four.
Plusieurs fours fouillés possèdent un drain creusé
dans le sol du couloir central ain de recueillir les eaux
d’iniltration et de ruissellement dues pour les unes à l’encavement de la chambre de chauffe, pour les autres aux
intempéries durant la période de non-activité. Le four est
ainsi protégé des dégradations naturelles. Aucun des trois
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
sondages effectués dans le four de Hombourg-Budange
n’est descendu sufisamment en profondeur pour mettre
en évidence ou non ce type d’aménagement.
3. LES AMÉNAGEMENTS ANNEXES (S.J.)
3.1. Halle de plan allongé
Un bâtiment sur poteaux se situe 8 m à l’est du
four de tuilier (ig. 2B). Connu seulement par trois de
ses quatre angles (l’angle sud-est se situant en dehors
du décapage archéologique), l’édiice mesure 17 m de
longueur par 11 m de largeur. Les poteaux sont très
arasés et certains ne sont plus visibles du fait de l’érosion naturelle du terrain. Ceux de la paroi orientale sont
les mieux conservés. De section quadrangulaire et aux
angles arrondis, ces derniers ont un plan de 0,60 m sur
0,60 m à 0,90 m, pour une profondeur conservée de
0,15 m à 0,20 m.
Les dimensions importantes du bâtiment, son orientation nord-sud et sa proximité avec le four de tuilier
laissent penser qu’il s’agirait d’une halle de séchage
pour les matériaux avant leur cuisson. Large de 11 m,
l’édiice était certainement à deux ou trois nefs, avec un
entraxe entre les poteaux de 5,50 m (deux nefs) ou d’un
peu moins de 4 m (trois nefs). Toutefois, une seule nef
avec charpente à ferme triangulée est également envisageable. La technique de construction du bâtiment reste
mal comprise. En effet, seuls les poteaux de l’armature
externe s’apparentant à des poteaux plantés sont encore
en partie visibles. En revanche, la partition interne du
bâtiment a totalement disparu. L’hypothèse d’un édiice
à soubassements mixtes combinant poteaux plantés sur
l’armature extérieure et poteaux posés en matériaux de
terre cuite en partition interne, est probable.
3.2. Bâtiment à quatre poteaux
À 35 m au nord-est du four de tuilier et à moins de
10 m au nord-est de la halle de plan allongé, un bâtiment
quadrangulaire à quatre gros supports, long de 8 m et
large de 5 m, a été mis en évidence (ig. 2B et 5). Les
poteaux, de plan quadrangulaire, ont une longueur de
1,10 m à 1,20 m, une largeur de 0,85 m à 0,90 m et une
profondeur oscillant entre 0,60 m et 1 m. La présence
de nombreux poteaux dans l’environnement du bâtiment atteste plusieurs états de construction de l’édiice.
Sa fonction reste inconnue : artisanat de l’argile, habitat, agriculture ? D’après la combinaison des datations
céramique et radiocarbone, la chronologie du bâtiment
se situe dans une fourchette comprise entre la seconde
moitié du Ier siècle et le premier tiers du IIe siècle ap. J.-C.
3.3. Puits
Un puits, situé entre la halle de plan allongé et le
bâtiment rectangulaire à quatre poteaux, offre un plan
circulaire d’un diamètre intérieur de 1,20 m et d’un
diamètre extérieur de 1,80 m (ig. 2B et 5). Maçonné
en pierres calcaires de taille moyenne et fragments de
grès jaune de petite taille, il a été observé en coupe sur
une profondeur de 2 m, le fond n’ayant pas été atteint
pour des raisons de sécurité. Deux types de comblements
sont à distinguer. De la surface de décapage à environ
0,80 m de profondeur, le remplissage se compose de
limon argileux brun, avec de nombreux fragments de
tuiles gallo-romaines et quelques fragments de céramique
gallo-romaine (sigillée, ine et commune). En deçà de
0,80 m, le remplissage devient organique avec présence
de bois de chêne n’ayant pas fourni suffisamment de
cernes pour obtenir une datation dendrochronologique.
Ce puits est une composante essentielle à l’artisanat de
l’argile, l’eau étant indispensable à la fabrication d’éléments en terre cuite architecturale.
Séparés d’un peu plus de 2 m de distance, il est tentant d’associer un poteau au puits (ig. 2B) et de faire
de ce dernier un puits à balancier. Si ce type d’aménagement est bien connu dans le monde oriental antique,
ainsi qu’en Afrique du Nord dans l’Antiquité romaine, il
n’existe pas à notre connaissance d’attestation en Gaule
romaine. Une autre hypothèse concernant ce poteau est
qu’il ferait partie d’une installation temporaire de type
« chèvre » et suspension de poulie liée au creusement
du puits (extraction des matériaux). Faute de littérature
comparative sufisante sur les puits, ces deux possibilités
ne sont que des hypothèses de travail. Malheureusement,
les puits sont la plupart du temps considérés comme des
aménagements secondaires et ne font donc pas l’objet
d’attention particulière (mode de creusement, techniques
de construction…).
4. MOBILIER ARCHÉOLOGIQUE
4.1. Poterie (d’après R. Prouteau, Inrap)
Une cinquantaine de tessons gallo-romains a été
découverte sur l’ensemble du site, l’écrasante majorité
provenant du colmatage de structures profondes. La moitié vient du puits : céramique ine (quatre), céramique
rugueuse (deux), céramique sigillée (onze), terra nigra
(deux). L’absence d’éléments remarquables (fond, bord,
décors), la taille modeste et la mauvaise conservation de
la terre cuite n’autorisent aucune datation précise. L’autre
moitié a été exhumée du comblement de poteaux. Parmi
les éléments datants, on remarque seulement un bord
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
397
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
GF
98 N
GF
1 - Limon argileux brun, nombreux fragments de tuiles gallo-romaines
2 - Limon argileux gris foncé, nombreux fragments de tuiles gallo-romaines,
blocs calcaires provenant de l'effondrement du parement, céramique antique
3 - Parement du puits composé de blocs calcaires
107 - Cheval de trait inhumé (XIXe-XXe siècles) : limon argileux gris-brun
41 - Fossé parcellaire postérieur aux autres structures : limon argileux brun-rose
30
NG
F
97 N
121
35
99
23
Puits 40
33
Puits 40
41
Cheval 107
0
98 m
20 m
107
1
poteau (associé au puits ?)
97 m NGF
3
2
3
Substrat :
Argile verte
30
96 m
23
22
2
2
1
35
3
1 2
5
95 m
2
2
1
5
0
2
2m
1
34
121
4
1 - Négatif de poteau : Limon argileux brun-gris foncé, charbons de bois, nodules de terre cuite
2 - Fosse d’implantation de poteau : Limon argileux brun-gris à brun-rose
3 - Limon argileux gris-vert
4 - Limon argileux brun-gris avec litages horizontaux
5 - Limon argileux gris-orange (proche du substrat)
6 - Limon argileux brun
33
2
1 2
Fig. 5. Plans et coupes du puits et des poteaux du bâtiment à quatre poteaux. Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
de terra nigra (inv. 121-20-128) attribuable au Ie siècle
ap. J.-C., et un bord de céramique ine (inv. 49-20-137)
dont la datation reste incertaine (gallo-romain ? Ve-VIe
siècles ?) (ig. 6).
4.1. Productions du four (J.-D. L.)
Faute de temps, peu de terres cuites architecturales
ont pu être collectées, seuls quelques matériaux issus
du four ont pu être récupérés. L’étude ne concerne donc
qu’une quinzaine d’échantillons prélevés autour du
four et dans ses maçonneries. Il semble que cet atelier
produise des tuiles de toiture (tegulae, imbrices et tuiles
faîtières) (ig. 7).
Deux tuiles plates de type tegula et une dizaine
de tuiles canal de type imbrex ont pu être observées et
mesurées. L’échantillonnage montre une faible variabilité des dimensions des individus. Les tegulae ont une
longueur de 42 cm et une largeur de 32-33 cm avec
une épaisseur variable de 1,75-2 cm à 3-3,5 cm d’un
exemplaire à l’autre. Les imbrices ont une longueur de
398
30 à 33 cm (le plus souvent 31 cm) et une largeur de
16-17 cm. Une seule imbrex diffère du reste du lot des
tuiles canal avec une dimension particulière de 28 cm
sur 18, elle correspond en fait à une tuile faîtière plus
courte et plus large de format rectangulaire, identique
à un modèle trouvé sur la fouille de la villa de Liéhon
(LAFFITE et alii, 2005). Les imbrices découvertes ici ont
la caractéristique d’avoir un canal bien arrondi alors
que régionalement le creux du canal a un proil plut t
triangulaire.
Ces dimensions correspondent à une standardisation
des modèles couramment rencontrés sur les sites gallo-romains fouillés en Lorraine4. Ainsi les tegulae du site
sont attribuables au modèle médian régional répertorié,
4. Un échantillon d’une centaine d’individus de tuiles des deux types
(imbrices et tegulae) a été répertorié sur les sites fouillés par l’Inrap
et dans les réserves du Musée de Metz, ce qui a permis d’établir un
classement des différents modèles en trois modules : par exemple pour
les tegulae, cat. 1 : 35-39,5 / 29,5-32 ; cat. 2 : 40-42 / 32-34 ; cat. 3 :
43,5-46 / 35-37,5, avec des modèles exceptionnellement grands ou petits
(étude en cours « TIR Lorraine - Tegulae Imbrices Régionales Lorraine »
- J.-D. Lafite, Inrap).
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
42-20-121 : Amphore
49-20-137 : Gallo-romain ?
121-20-128 : Terra nigra (Ier siècle)
77-20-132 : Gallo-romain ?
0
5 cm
Fig. 6. Céramique antique. Auteur : R. Prouteau, Inrap.
plaque striée (râté de cuisson)
imbrex
Bertrange-Immeldange, Faulquemont, Amnéville,
Liéhon et Metz-Sablon.
À la production de tuiles s’ajoute une fabrication de
briques pariétales. Il s’agit de briques de format rectangulaire de faible épaisseur, dont une des faces présente
une préparation pour mortier faite de deux rangées d’ondulations réalisées au peigne (utilisation murale dans les
thermes et les salles à hypocauste). L’individu recueilli
est entier, mais il correspond à un raté de production car
la brique est déformée (courbure). Ses dimensions sont
de 34 cm de longueur sur 24 cm de largeur (environ 18
digiti sur 13) et 3 cm d’épaisseur. Rectangulaire et sans
rebords, cette brique est plus petite qu’une tegula.
La production mixte de matériaux de construction
pour les toitures, les thermes et les salles à hypocauste
est souvent constatée dans les ateliers céramiques gallo-romains, alors que la production de véritables briques
de type later est beaucoup moins répandue en Gaule.
5. DATATIONS ARCHÉOMÉTRIQUES
5.1. Archéomagnétisme
tegula
tuile faîtière
0
20 cm
Fig. 7. Terres cuites architecturales prélevées dans la
maçonnerie et dans l’environnement du four de tuilier.
Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
qui présente une longueur de 40 à 42 cm pour 32 à
34 cm en largeur, soit un rapport moyen de 41/33 cm
(soit 22 digiti sur 18 digiti). Les imbrices du site quant
à elles, appartiennent à un modèle de petite taille, d’une
longueur de 30 à 33 cm pour 15 à 16 cm de largeur, soit
un rapport moyen de 32/15,5 cm (soit 17-18 digiti sur
8-9 digiti ; digitus : doigt romain de 1,848 cm : 1/16 du
pes, le pied romain).
Ces dimensions d’imbrices et de tegulae ont également été retrouvées sur des modèles entiers échantillonnés sur des sites de villae rurales et urbaines aux
environs de Metz, comme à Corny, Peltre, Moncheux,
Plusieurs prélèvements archéomagnétiques5 ont
été effectués sur le pourtour de la chambre de chauffe,
constitué de sédiment en place rubéfié. La datation
archéomagnétique à 95 % nous donne deux intervalles
d’âges possibles qui sont 45-190 AD et 200-470 AD. À
l’intérieur de ces intervalles, les périodes les plus probables sont respectivement 115-155 AD et 275-295 AD
(pics 50 centrés sur 135 et 285 AD).
5.2. Radiocarbone (S.J. et J.W.)
Deux datations 14C ont été réalisées en 2007 par le
Centrum voor Isotopen Onderzoek de Groningen (PaysBas). La première, dont le but était de la confronter aux
résultats archéomagnétiques, concerne un charbon de
bois prélevé à l’entrée de l’alandier (GrA-35619 : 2550
± 40 BP ; calibration effectuée avec Calib rev 6.0.0.).
Mais un problème dans la datation de ce charbon ne
permet aucune confrontation. En effet, la datation du
fragment se situe dans une fourchette comprise entre 805
et 540 BC (Hallstatt), avec une probabilité de 95,4 %.
Ce résultat ne correspond absolument pas à nos attentes
puisque nous attendions une datation concordante avec
la période gallo-romaine. Le prélèvement analysé a
éventuellement été contaminé par le calcaire ancien du
sous-sol géologique.
5. D’après N. Warmé, Inrap ; étude effectuée au laboratoire de
Paléomagnétisme du Parc Saint-Maur – Institut de Physique du Globe
de Paris.
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
399
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
Afin de dater le bâtiment à quatre poteaux, une
seconde datation a été effectuée sur un charbon contenu
dans le négatif d’un poteau (st. 33). La datation du fragment (GrA-35462 : 1970 ± 35 BP) se situe dans une
fourchette comprise entre 45 BC et 121 AD, avec une
probabilité de 95,4 %.
Du fait de l’absence de matériel archéologique significatif, une troisième datation radiocarbone concerne
un noyau d’aubépine à un style Crataegus monogyna
prélevé dans le puits à 1,80 m de profondeur. La date
non calibrée de 1695 ± 25 BP (KIA-38799) donne,
après calibration avec Calib rev 6.0.0., une fourchette
de 2 sigma de 258 – 412 AD, qui indique une période
chronologique de la deuxième moitié du III e siècle
jusqu’au début du V e siècle ap. J.-C. pour le comblement
du puits. Dans la fourchette de 2 sigma, la plus grande
probabilité (74,4 %) se situe entre 318 et 412 AD. Cette
datation a été réalisée en 2009 par le Leibniz-Labor für
Isotopenforschung und Altersbestimmung de l’Université
de Kiel (Allemagne). On ne peut pas exclure que le puits
soit resté encore ouvert et en fonction après l’abandon de
l’atelier de tuilier et qu’il ait été comblé plus tard.
6. ARCHÉOBOTANIQUE (J.W.)
6.1. Étude carpologique du puits
Trois prélèvements provenant du remplissage du
puits ont été étudiés d’un point de vue carpologique.
Ils ont été traités par tamisage total sous l’eau avec des
tamis de 0,315, 0,5 et 1 mm. Le prélèvement le plus profond, effectué à 1,80 m, a révélé une grande quantité des
macrorestes végétaux imbibés, grâce à la proximité de
la nappe phréatique. Il a fourni au total 794 macrorestes
exclusivement non carbonisés et non minéralisés. Les
déterminations et les décomptes en nombre minimum
d’individus igurent dans le tableau ig. 8. La taxinomie
se conforme à la lore de la Belgique et du nord de la
France de LAMBINON et alii, 2004.
Les taxons de fruits sauvages et de plantes de cueillette sont les plus représentés dans l’assemblage végétal.
L’absence de restes de plantes cultivées prouve la vocation essentiellement artisanale du puits. Pour comparaison, les puits découverts en contexte d’établissements
agricoles fournissent généralement des spectres carpologiques riches en plantes cultivées (WIETHOLD, 2010).
La forte abondance de fruits sauvages dans le comblement du puits peut s’expliquer par un lessivage du
terrain autour de celui-ci au moment de son abandon,
le ramassage de débris végétaux (branches, brindilles,
fruits, noyaux…) et minéraux (pierres, tuiles…) associés à de la terre servant au colmatage de la structure.
400
82,4 % de ces restes sont des noyaux d’aubépine à un
style Crataegus monogyna. On peut estimer que le
petit arbre épineux poussait à proximité du puits, mais
probablement pas directement à côté. En effet, pour
assurer la bonne qualité de l’eau, il fallait éviter que de
la matière végétale ne tombe fréquemment dans le puits.
L’aubépine n’est pas une plante de cueillette importante
et ses utilisations sont limitées à quelques propriétés
médicinales. Comme dans la couche supérieure, les
noyaux de deux espèces de sureau, le sureau yèble,
Sambucus ebulus, et le sureau noir, Sambucus nigra,
sont également fréquents et occupent les deuxième
et troisième rangs d’abondance. Contrairement aux
fruits du sureau noir, les fruits de la yèble ne sont pas
comestibles, mais peuvent être utilisés comme le sureau
noir pour la teinture de textiles. On compte également
quelques noyaux de prunellier Prunus spinosa, plante de
cueillette et de teinturerie, les akènes de mûre Rubus fruticosus agg., trois noyaux de cornouiller sanguin Cornus
sanguineus et les akènes d’églantier commun Rosa cf.
canina. L’ensemble de ces taxons peut provenir d’une
haie de plantes épineuses qui a probablement délimité
la tuilerie antique. Les autres plantes sauvages mises
en évidence sont principalement des espèces de zones
rudérales et bien anthropisées, comme la grande ciguë
Conium maculatum, le cirse commun Cirsium cf. arvensis et la grande bardane Arctium cf. lappa. Le seul reste
d’une plante de zone humide est un akène de renoncule
rampante Ranunculus repens.
6.2. Étude anthracologique
6.2.1. Détermination et interprétation
des combustibles utilisés dans le four
Pour déterminer la nature des combustibles utilisés
dans le four, trois prélèvements ont été effectués dans des
couches cendreuses et charbonneuses (ig. 9).
La couche charbonneuse, située en partie basse de
l’aire de service, à proximité immédiate de la gueule du
four, contenait 66 % de pin sylvestre (Pinus cf. sylvestris), 17 % de hêtre ( agus sylvatica), 15 % de chêne
( uercus sp.) et 2 % d’aulne glutineux (Alnus cf. glutinosa). Les charbons de bois prélevés dans l’alandier sont
exclusivement des charbons de chêne à feuilles caduques
( uercus sp.). Le prélèvement effectué dans la chambre
de chauffe s’est révélé infructueux car il ne contenait
que des cendres.
Le chêne et le hêtre sont les arbres les plus communs
et les plus fréquents de la région. Leurs hautes valeurs
énergétiques et leurs conditions favorables de combustion
permettent une utilisation dans des processus techniques.
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
Couche / type de structure
No. structure
Profondeur de prélèvement en mètre
Volume / litres (bruts)
puits
40
1,40
6,0
puits
40
1,60
8,0
total
puits
40
1,80
10,0
NMI
24,0
C. IIIe-Ve s. ap. J.-C.
C. IIIe-Ve s. ap. J.-C.
Datation
IIIe-Ve s. ap. J.-C.
Noms scientifiques d'après
LAMBINON et alii
alii, 2004
Fruits cultivés et sauvages
Sambucus nigra
Sureau noir
13
61
48
Sambucus ebulus
Yèble
15
41
33
Crataegus monogyna
Aubépine à un style
555
654
Prunus spinosa, noyaux
Prunellier
11
17
Rubus fruticosus agg., akénes
Ronce/mûr
5
11
Cornus sanguinea
Cornouiller sanguin
5
3
Rosa cf. canina
Rosier des chiens/Églantier commun
1
3
Corylus avellana, noisettes
Noisetier
4
Rubus caesius
Ronce bleue
2
Fragaria vesca
Fraisier sauvage
1
Messicoles et autre végétation synanthrope, carbonisés
Cirsium cf. vulgare
Cirse commune
1
5
Carex muricata s.l.
Laîche de Paira/Laîche en épi
1
3
Conium maculatum
Grande ciguë
6
Cirsium arvense
Cirse des champs
3
Arctium cf. lappa
Grande bardane
3
Galeopsis bifida/tetrahit
Galéopsis bifide/tétrahit
1
Agrimonia eupatoria
Aigremoine eupatoire
1
Lapsana communis
Lampsane
1
Polygonum lapathifolium agg,
Renouée à feuilles de Patience
1
Sonchus asper
Laiteron épineux
1
Urtica dioica
Grande ortie
1
Plantes des zones humides
Ranunculus cf. repens
Renoncule rampante
2
1
Autres
Indeterminata, bourgeons
Indéterminés
1
Indeterminata, diaphragma,
Indéterminés
3
non carbonisés
Total
28
692
798
122
89
1209
28
16
8
4
4
2
1
6
4
6
3
3
1
1
1
1
1
1
3
1
3
1518
Fig. 8. Macro-restes végétaux provenant du remplissage du puits 40. Décomptes en nombre minimum d’individus (NMI).
Déterminations : J. iethold, Inrap.
Bât.
Bât.
No. structure
Ensemble
23
33
74
Structure
T.P.
T.P.
alandier
Volume/litres (bruts)
Datation
Quercus spec.
Fagus sylvatica
Alnus cf. glutinosa
Acer cf. campestre
Pinus cf. sylvestris
Total
10,0
G.R.
29
71
10,0
G.R.
50
49
5,0
Chêne
Hêtre
Aulne noir
Érable champêtre
Pin sylvestre
Four
total
aire de
service
10,0
100
35
G.R.
100
15
17
2
1
100
NMI
100
66
100
194
137
2
1
66
400
Rappel des abréviations : Bât. (bâtiment), cf. (confer,
onfer détermination incertaine), T.P. (poteau), G. R. = époque gallo-romaine
Fig. 9. Charbons de bois provenant du four de tuilier. Déterminations : J.
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
iethold, Inrap.
401
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
Zone D
0
5m
?
?
Zone A
Zone B
Zone C
négatif de poteau
structure antique
structure non datée
?
structure découverte
en diagnostic et non
réapparue en fouille
Fig. 10. Plan général du site gallo-romain et délimitation des quatre zones d’étude.
Auteur : . Charlier, Archeodunum, à partir du plan général de la fouille.
L’exclusivité du chêne dans le conduit de chauffe du
four de Hombourg-Budange témoigne d’une sélection
intentionnelle d’une essence dure, pour garantir une
combustion stable à température élevée et produisant
peu de lammes. Il s’agit, de plus, de bois de tronc et
non de racines ou de branches. Ceci correspond bien à
la consommation d’un atelier d’artisanat. En revanche,
l’aire de service a fourni, au niveau de l’entrée du four,
une majorité de charbons de pin Pinus cf. sylvestris. Le
bois du pin sylvestre brûle plus rapidement et produit
des lammes longues à cause de la résine qu’il contient.
D’un point de vue paléo-écologique, le pin sylvestre
semble provenir des régions des grès luxembourgeois,
des quelques falaises rocheuses des côtes de la Moselle
ou encore du massif vosgien. Cela témoigne d’une gestion organisée des ressources en combustibles.
Néanmoins, ces résultats anthracologiques ne
proviennent pas d’un échantillonnage très exhaustif et
nécessitent donc quelques remarques supplémentaires et
méthodologiques. L’exclusivité du chêne dans l’alandier
ne signiie pas obligatoirement une mono-spéciicité de
ce bois dans la combustion. Les matériaux à ignition
vive ont été énormément utilisés dans les ateliers mais
ne laissent que des cendres la plupart du temps non
402
identifiables. Dans beaucoup d’ateliers traditionnels,
les bûches de bois durs servent à la montée en température alors que les fagots de bois tendre serviront à la
pleine cuisson pour fournir des lammes qui traversent la
chambre de cuisson (LE NY, 1992).
Un bois brûle d’autant plus rapidement que sa section est faible (branches). Il y a, en effet, un rapport
important entre la surface offerte à la carbonisation et
l’essence car l’effet calorique recherché n’est pas le
même à la montée qu’à la pleine cuisson. Généralement,
les espèces tendres sont recherchées pour fournir une
lamme longue lors du palier de cuisson avec le but du
maintien de la température. Dans les ateliers traditionnels, on voit, lors de la pleine cuisson dans les fours verticaux, les lammes sortir du laboratoire (F. Le Ny- ray,
communication écrite).
6.2.2. Étude anthracologique du bâtiment
à quatre poteaux
Présentant des charbons de bois dans le comblement de leur négatif, deux poteaux ont fait l’objet de
prélèvement (st. 23 et 33). Les nombreux charbons de
bois contenus dans le négatif de poteau 23 sont à 71 %
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
des charbons de hêtre ( agus sylvatica) et à 29 % des
charbons de chêne ( uercus sp.). Le négatif de poteau 33
révèle 50 % de charbons de chêne ( uercus sp.), 49 % de
charbons de hêtre ( agus sylvatica) et 1 % de charbons
d’érable champêtre (Acer cf. campestre) (ig. 9).
7. ANALYSE FONCTIONNELLE ET RESTITUTION
ARCHITECTURALE DE LA TUILERIE (F.C.)
L’emprise de la fouille n’a pas permis de mettre
au jour la surface totale de la tuilerie gallo-romaine.
Toutefois, l’analyse des vestiges et de leur répartition
nous fait croire que non seulement la plus grande partie
du site a été reconnue mais qu’il est probable que nous
disposons des espaces de travail des différentes étapes
de la chaîne opératoire (à l’exception de la première :
l’extraction de l’argile).
Quatre espaces ont été déterminés et identifiés
d’ouest en est par les premières lettres de l’alphabet mais
en remontant la chaîne opératoire (ig. 10) : de la cuisson
des matériaux à la préparation de l’argile. Ce sens inverse
à la production a été choisi ain que la présentation du
site se fasse selon un ordre décroissant de sûreté dans
l’interprétation des vestiges et parce que l’interprétation
des deux derniers espaces se justiie essentiellement par
celles des deux premiers.
L’identiication des structures de Hombourg-Budange
et leur restitution architecturale s’appuient sur l’étude
de très nombreuses autres tuileries romaines mais aussi
d’ateliers des époques moderne et contemporaine. En
raison de la place qui nous est impartie, nos analyses sont
extrêmement résumées, voire partielles, et la documentation portant sur des structures comparables à celles de
la tuilerie de Hombourg-Budange ne peut être présentée
ici6.
Les quatre espaces de travail sont successivement
analysés à l’aide d’une série de plans (ig. 11) et ensuite
une tentative de découpage chronologique du site est proposée avec une restitution axonométrique de l’ensemble
de la tuilerie (ig. 12).
7.1. Le four et une halle de plan centré
Même si notre connaissance de la zone A est incomplète, la partie ouest étant hors emprise de l’opération, il
est aisé d’y identiier un four entouré d’une halle de plan
centré que l’on peut aussi qualiier de « halle-galerie ».
Ce bâtiment servait à stocker avant cuisson les matériaux en in de séchage ou prêts à cuire.
La fouille n’a pas révélé plusieurs états dans la
structure du four, mais comme ses maçonneries n’ont
pas été démontées, les observations n’ont été que supericielles. uelques détails de la construction et surtout
l’orientation des vestiges permettent de supposer que
l’ensemble a connu plusieurs états. C’est dans le dernier,
l’état C, qu’aurait été élevée la halle-galerie qui entoure
le four. On peut restituer à ce four un laboratoire de plan
carré d’environ 3,70 m de côté intérieurement (12,5
pieds romains), c’est-à-dire de 13,66 m2 (soit un volume
restituable d’environ 50,50 m3). L’orientation des côtés
de la halle-galerie est identique à celle des vestiges du
four dans son dernier état et à celle du drain qui longe le
four du côté est, mais celle de la structure formée par les
quatre poteaux qui entourent au plus près le laboratoire
s’en distingue. Il est donc probable qu’ils ont été plantés
dans un état antérieur. Les deux excroissances visibles
sur les côtés du laboratoire, qui correspondent certainement à des fondations de contrefort, n’appartiennent
pas au dernier état du four car les murs du laboratoire
les auraient en grande partie recouvertes, les rendant
donc inutiles. En outre, elles sont orientées de manière
légèrement différente des maçonneries conservées. En
respectant l’orientation de ces excroissances, on peut
restituer un four antérieur, celui de l’état B, forcément
plus petit que celui du dernier état C, puisque celui-ci
en aurait détruit tous les vestiges à l’exception des
fondations des contreforts. L’emplacement précis du
laboratoire peut être déterminé en considérant que les
contreforts devaient être situés en plan au milieu de
ses murs latéraux. Nous obtenons ainsi un laboratoire
carré 10 pieds de côté intérieurement au maximum
(2,96 m), c’est-à-dire de 8,74 m2 (soit un volume restituable d’environ 25,86 m3), qui aurait été protégé par
une toiture portée par les quatre poteaux conservés dans
l’état suivant. La disposition du four par rapport à ces
poteaux, décentrée et selon une autre orientation, nous
fait croire d’une part que cette structure de cuisson a
été précédée d’une autre (dans un état A), qui aurait été
construite dans le même état que la toiture portée par les
quatre poteaux, et d’autre part que le plan d’ensemble
était parfaitement centré.
6. Une partie de cette documentation a été présentée lors de la communication au colloque. On la trouvera en totalité, ainsi que des analyses
détaillées par type de structure et de nombreuses références bibliographiques, dans notre doctorat (CHARLIER, 2011).
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
403
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
Zone A
85
87
drain
72 51
73
24 x 24 p.
53
four 74
125
12 x 12 p.
88
8x
8 p.
124
89
69
80
drain
132
75
aire de
service 97
127
76
122
126
86
plan
général
78
état A :
restitution
64 x 64 p.
24 x 24 p.
24 x 24 p.
17 x 17 p.
15 x 15 p.
12,5 x
12,5 p.
10 x
10 p.
état B :
restitution
état C :
restitution
Zone B
0
49
48 x 38 p.
5m
64 x 32 p.
98
Zone D
48
113
52
10
20
54
112
7
30 x 24 p.
55
119
65
?
66
39
30
121
29
116 37
68
21 x 31 p.
?
28
118 31
36
27 x 17 p.
70
35
9 x 36 p.
32
puits 40
plan général
état A : restitution
100
33
34
22
23
état B : restitution
59
plan général et restitution
de trois bâtiments successifs
Fig. 11. Plans des zones A, B et D et restitutions des différentes structures successives (leurs dimensions sont en pieds).
Auteur : . Charlier, Archeodunum, à partir du plan général de la fouille.
404
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
période 1
?
période 2
0
10 m
période 3
5m
1m
Fig. 12. ypothèses de chronologie relative et restitutions architecturales. Auteur : . Charlier, Archeodunum.
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
405
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
Fig. 13. Vue du four après le décapage et avant la fouille,
vers le sud. Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
Fig. 16. Vue en plan de l’alandier, vers l’est.
Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
Fig. 14. Vue du four après la fouille, vers le sud.
Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
Fig. 17. Vue en coupe de l’alandier, vers le sud-ouest.
Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
Fig. 15. Vue de la façade d’entrée du four prise depuis l’aire
de service, vers le nord. Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
Fig. 18. Détail de la chambre de chauffe.
Auteur : S. Jeandemange, Inrap.
406
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
Dans cette hypothèse, le four de l’état A est nécessairement plus petit encore que les suivants puisqu’aucune
trace n’en a été trouvée. À titre de supposition, nous lui
restituons un laboratoire carré de 8 pieds de côté intérieurement (2,37 m), c’est-à-dire de 5,60 m2 (soit un volume
restituable d’environ 13,24 m3).
La surface des aires de service des états A et B a
été restituée dans les limites du creusement de l’aire du
dernier état et l’emplacement des poteaux des toitures de
ces aires déterminé en exploitant au maximum les trous
de poteau découverts.
Si le plan restitué du dernier état est sûr, ainsi que le
fait que l’ensemble a connu un ou plusieurs états antérieurs, les plans que nous proposons des états A et B sont
certes plausibles mais très hypothétiques.
7.2. Une halle de plan allongé
La zone B correspond à l’emplacement d’une autre
halle dont les poteaux sont très arasés, beaucoup ayant
même totalement disparu. Ce bâtiment se dressait à
quelques mètres du four, parallèlement à lui. Sa fonction
était identique à la halle de plan centré.
En exploitant la totalité des trous de poteau conservés, nous proposons de restituer deux bâtiments successifs. Dans l’état A, le corps du bâtiment aurait mesuré 48 x
38 pieds (14,19 x 11,24 m), soit une surface de 159,48 m2,
et aurait comporté une galerie contre le pignon sud ; c’est
ainsi que nous expliquons le léger décalage vers l’est du
trou 70 par rapport à l’alignement des autres trous. En
plaçant dans les trous 49, 68 et 66 des poteaux corniers,
ce plan permet aussi de justiier la surface un peu plus
importante de ces trous par rapport aux autres. La taille
des autres trous de poteau et surtout leur entraxe permettent d’écarter l’hypothèse d’une charpente à ferme.
Nous restituons donc une construction à faîtière porteuse en supposant que les poteaux de la ligne centrale
devaient être placés sur des bases non fondées. À partir
des poteaux conservés, nous proposons de diviser la longueur de la halle en trois travées de 16 pieds (4,73 m),
divisées elles-mêmes par les poteaux latéraux en trois
pour la travée centrale et en deux pour les deux autres.
La division supplémentaire de la travée centrale permet
d’y voir l’emplacement d’accès latéraux à la halle.
L’existence d’un autre bâtiment au même emplacement est très hypothétique. La restitution que nous en
proposons, l’état B, s’appuie sur l’emplacement du trou
de poteau 48 (non daté) pour placer le long côté ouest et
sur celui du trou 98 pour le long côté est. La localisation
de ce dernier permettrait d’expliquer la forme allongée
des trous 65, 66 et peut-être 49. Comme pour l’état A
et sur les mêmes arguments, nous supposons que cette
construction était à faîtière porteuse. Si nous dessinons
le plan le plus régulier possible à partir des poteaux cités,
nous obtenons une construction de 64 x 32 pieds (18,92
x 9,46 m), soit une surface de 179,07 m2. Le bâtiment
pourrait être divisé en cinq travées, larges respectivement
de 10, 15, 14, 15 et 10 pieds (2,96, 4,44, 4,14, 4,44 et
2,96 m). La répartition des poteaux latéraux que nous
proposons permet d’ajouter, ici aussi, à la probable entrée
du pignon sud, deux autres accès, exactement au milieu
des longs côtés du bâtiment.
7.3. L’aire de séchage ?
La zone C se trouve dans le prolongement des zones
précédentes, elle est vierge de vestiges à l’exception de
deux ou trois trous de poteau et d’une fosse qui attestent
qu’elle faisait partie de l’atelier. Ces caractéristiques
et la présence sur le côté nord d’une zone de travail
probablement relative à la préparation de l’argile et au
moulage des matériaux autorisent à y voir l’emplacement
de l’aire de séchage. Cette aire devait être une simple surface dégagée et plane, probablement sablée, sur laquelle
étaient posées les tuiles et les briques au fur et à mesure
de leur moulage.
7.4. Un atelier de moulage ou « moulerie » ?
La zone D concentre des vestiges divers : des trous
de poteau, trois fosses et un puits.
Quelques tessons protohistoriques ont été retrouvés
dans les trois fosses (st. 36, 39 et 118). Cependant la
localisation, le plan et le fond plat de ces fosses nous
font croire qu’elles appartiennent à la tuilerie gallo-romaine où elles auraient servi à la préparation de l’argile.
Leur proximité avec le puits ne peut que conforter cette
interprétation.
La plupart des trous de poteau ne sont pas datés.
Certains ne sont peut-être pas antiques ; cette partie du
site a connu en effet une occupation médiévale, un bâtiment sur solin y a été construit, occasionnant peut-être
la destruction de certains vestiges romains.
Parmi les trous qui ont livré du mobilier antique en
calage, quatre appartiennent à un bâtiment rectangulaire
de 27 x 17 pieds (7,98 x 5,03 m), soit une surface de
40,13 m2.
Presque à l’emplacement du bâtiment, les trous de
poteau non datés permettent de supposer l’existence de
deux autres bâtiments un peu plus grands que le premier
et orientés à environ 45° par rapport à lui. L’un aurait
mesuré 30 x 24 pieds (8,87 x 7,10 m), soit 62,96 m2, et
l’autre 21 x 31 pieds (6,21 x 9,17 m), soit 56,92 m2. Leur
construction serait à faîtière porteuse.
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016
407
Sébastien JEANDEMANGE, Fabrice CHARLIER, Julian WIETHOLD, Jean-Denis LAFITTE
Si les autres constructions sont régulièrement découvertes dans des tuileries gallo-romaines, surtout dans
le nord-est de la Gaule, la présence d’une construction
plus petite structurellement indépendante des autres est
quasiment inédite. L’association de cette construction
avec un puits et des fosses de préparation de la terre
évoque certaines tuileries mises au jour à Rheinzabern
et à Neupotz (Bade-Wurtemberg), mais les petits bâtiments y sont toujours accolés à une halle. La fonction
de toutes ces constructions est probablement identique,
mais la place de celles de Hombourg-Budange dans
l’atelier évoque davantage celle d’un bâtiment qui igure
dans la tuilerie-type représentée sur une des planches
de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert et qui est
explicitement dénommé « moulerie ». Il abrite non seulement le moulage mais une partie de la préparation de la
terre et notamment une fosse de marchage. Il nous semble
très crédible que les petites constructions successives de
la zone D de Hombourg-Budange aient rempli la même
fonction.
7.5. Évolution chronologique et restitution
architecturale de la tuilerie
L’interprétation fonctionnelle des zones est cohérente, même si pour certaines quelques-unes de nos
restitutions et la distinction en plusieurs états restent
largement ouvertes à la discussion. La juxtaposition
des différentes zones de travail révèle une organisation
parfaitement rationnelle de l’atelier, la chaîne opératoire
pourrait être matérialisée simplement sur le plan par une
lèche courbe qui relierait toutes les zones en allant du
nord-est vers l’ouest.
L’atelier a connu des transformations au cours du
temps, dont certaines sont perceptibles dans telle ou
telle zone, mais qu’il est dificile de corréler par manque
de chronologie relative entre les zones. Néanmoins, la
métrique et l’orientation des structures, ainsi que le
fonctionnement habituel d’une tuilerie, permettent de
se faire une idée de l’évolution du site. Comme deux
zones semblent avoir connu trois états, nous proposons
de distinguer trois périodes (ig. 12).
La distribution chronologique des structures reprend
la succession des fours et de la halle-galerie qui a été
établie dans la zone A. Pour la zone B, comme la longueur de la halle de plan allongé de l’état B est égale aux
grandes dimensions de la halle-galerie, nous supposons
que les deux halles appartiennent à la même période.
Mais comme son orientation est identique à celle du bâti
à quatre poteaux qui abrite le four, nous considérons
que cette halle de plan allongé a été construite dès la
période 2 du site. À la période 1 correspond alors la halle
408
de l’état A. Quant à la zone D, une fosse a été rattachée
à chacun des petits bâtiments selon leur proximité et
chaque ensemble a été réparti sur les trois périodes, en
estimant que le bâtiment qui mesure 27 x 17 pieds devait
appartenir à la période 3 puisqu’il est orienté comme la
halle-galerie.
L’image de la tuilerie peut être complétée si l’on
considère que les deux fossés qui ont été détectés lors
du diagnostic (mais non documentés) constituaient la
limite sud du site et que des haies de plantes épineuses
pouvaient l’enclore comme le suggèrent les résultats de
l’étude carpologique du puits.
Selon ce découpage chronologique et nos hypothèses portant sur les dimensions des fours successifs,
la capacité de production du site aurait été croissante : le
volume interne du laboratoire serait passé de 13,24 m3 à
25,86 m3, puis à 50,50 m3, et la surface disponible sous
la ou les halles de 159,48 m2 (sans la galerie en pignon)
à 179,07 m2, puis à 374,93 m2 (halle de plan allongé +
halle de plan centré, à l’exclusion de son côté sud qui
couvre l’aire de service et devait abriter le combustible).
Il est impossible de dater précisément l’installation de la tuilerie. La datation archéométrique la plus
ancienne et cohérente nous est donnée par un charbon
de bois qui serait à placer dans une fourchette chronologique de 2 sigma probalité comprise entre 45 av. et
121 ap. J.-C. (datation radiocarbone calibré, GrA-35462 :
1970 ± 35 BP). Il s’agirait d’un bois remployé puisque
ce charbon a été recueilli dans le négatif du poteau 33
qui appartient au petit bâtiment que nous plaçons dans
la période 3. La datation archéomagnétique réalisée sur
le four fournit deux intervalles possibles pour la dernière
cuisson : 115-155 et 275-295 ap. J.-C. Compte tenu de la
datation radiocarbone de macrorestes végétaux du puits
- entre 257 et 413- l’arrêt de la production est plutôt à
placer dans la seconde moitié du IIIe siècle.
CONCLUSION (S.J.)
Une partie de la chaîne opératoire de l’artisanat de
l’argile vient d’être présentée : un four ett son aire de serser
vice, un système de drainage, protégés par une halle de
plan centré, une halle de plan allongé, un puits maçonné,
un bâtiment à quatre gros poteaux. La quasi-absence de
mobilier céramique antique sur le site nous a incités à
effectuer quelques datations archéométriques (archéomagnétisme et radiocarbone). En outre, des études
archéo-botaniques nous éclairent sur les combustibles
utilisés dans le four et sur l’environnement naturel de
la tuilerie. Enin, une restitution en élévation a été réalisée et permet de mieux se représenter le site antique.
Cette étude spatiale a envisagé trois états successifs de
L’Antiquité tardive dans l’Est de de la Gaule, II, p. 389-409 (41e suppl. à la RAE) © SAE et SAC 2016.
LA TUILERIE ANTIQUE DE HOMBOURG-BUDANGE (MOSELLE)
constructions et de reconstructions de la tuilerie. Dans
son dernier état, le four de plan rectangulaire présente
une longueur externe de 8 m pour une largeur externe de
5 m (alandier et chambre de chauffe). Il servait notamment à cuire des tuiles (tegulae et imbrices) et de briques
pariétales destinées à une utilisation locale.
En revanche, certaines activités comme l’extraction ou la préparation de la pâte n’ont pas été repérées.
L’occupation antique se poursuit au-delà du décapage,
vers le sud, comme en témoignent les fossés orientées est-ouest et les quelques poteaux découverts lors
du diagnostic (MANGIN, 2006), mais également vers
l’ouest comme le démontre l’observation lacunaire de
la halle-galerie. Ces indices antiques non décapés sont
perdus pour la science archéologique car ils se situent
dans l’emprise du projet immobilier.
En replaçant cette fouille dans son contexte local,
il est tentant de la mettre en relation avec l’atelier de
sigillée prospecté depuis 1993 et situé 250 m à l’est. La
parcelle de terre Guff
Guff, située entre les deux ensembles
(qui a fait l’objet d’un diagnostic archéologique en 1997
à la demande du Service régional de l’Archéologie de
Lorraine) s’est avéré vierge de toute occupation humaine.
Toutefois, les données chronologiques permettent d’envisager une contemporanéité des deux installations (IIe-Ve
siècle ap. J.-C.). De ce fait, ne s’agirait-il pas d’un même
ensemble artisanal qui se développerait sur une surface
dont nous ignorons l’étendue ?
À l’échelle régionale, cette fouille est une des rares
investigations archéologiques entreprises sur ce type de
structure d’artisanat de l’époque gallo-romaine.
Remerciements
Les auteurs remercient vivement Françoise Le Ny,
maître de conférences à l’Université de Reims, pour la
relecture de cet article.
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